On jette l’ancre ? Ou le biais d’ancrage ?
(Image by Eszter Miller from Pixabay)
Le biais d’ancrage, c’est la difficulté de se départir de sa première impression ou de sa première explication :
- Un élève qui arrive en retard lors du premier cours sera catalogué comme retardataire, même s’il n’est pas plus en retard que les autres en moyenne.
- Le mois prochain, c’est le Black Friday : les sites marchands utilisent un prix d’ancrage, à partir duquel ils vont afficher une réduction. Le prix final n’est peut-être pas plus intéressant qu’ailleurs ou qu’une semaine plus tôt.
- Votre boss est de mauvaise humeur ce matin ; or, il a assisté à une réunion du comité directeur la veille au soir, alors que les résultats de son service sont mauvais. Explication immédiate : la réunion s’est mal déroulée pour lui et il est donc de mauvaise humeur. Peut-être. Ou il a mal dormi. Ou il s’est accroché avec une autre personne en venant au travail. Ou il s’est disputé avec sa femme / son mari. Ou il a un problème avec l’un de ses enfants. Ou il ne vous aime pas. Ou…
Il existe deux façons de résoudre un problème : une analyse profonde, lente et poussée, et un mode heuristique, intuitif et rapide. Certaines personnes utilisent plus facilement un mode que l’autre, mais il est de toute façon impossible d’être en analyse profonde sur tous les sujets. Ce serait épuisant et chronophage. Naturellement, lorsque vous êtes en mode heuristique, vous allez être beaucoup plus influencé par vos biais d’ancrage, a fortiori si votre interlocuteur l’utilise à vos dépens.
Lorsque vous observez une situation, même si vous êtes dans une logique d’analyse, la première explication plausible vous paraîtra suffisante, c’est à dire la bonne. Chercher d’autres explications est coûteux, en termes d’énergie et de temps. Il est donc assez logique de s’arrêter là.
Pourquoi est-ce un problème ? La liste est longue :
- Se faire manipuler.
- Poser un mauvais jugement.
- Être injuste avec vos proches, vos collègues.
- Rater des opportunités.
- Faire de mauvais choix.
Comment éviter ces biais d’ancrage ? À nouveau, il n’est pas possible d’être en analyse profonde constamment. Les techniques suivantes peuvent vous aider :
#1 Être conscient des mécanismes du biais d’ancrage
C’est fait.
#2 Identifier les situations dans lesquelles le mode heuristique est dangereux
Les décisions importantes : achat d’une maison, négociation salariale…
Avec les personnes importantes pour vous, dans vos sphères personnelle et professionnelle.
#3 Écouter
“Messieurs les Anglais, tirez les premiers !”, Comte d’Anterroches, lors de la bataille de Fontenoy (1745).
Écouter vous pousse à intégrer un plus grand nombre de données et d’opinions, vous permettant ainsi de basculer vers une analyse profonde.
#4 Se remettre en question.
Tout le monde se trompe, en particulier en mode heuristique. Ne vous trompez pas une seconde foi en refusant par orgueil d’admettre (ne serait-ce qu’à vous-même) votre erreur, ce qui vous permet de la corriger.
#5 S’inspirer des personnes qui ne s’arrêtent pas à la première explication.
Inspirez-vous des enfants de six ans (dans un tournoi d’échecs).
Je m’explique.
Les enfants en club d’échecs jouent vite, très vite, trop vite, même s’ils leur reste beaucoup de temps à la pendule (note : le temps global pour jouer une partie est toujours limité et, lorsque votre temps est écoulé, vous perdez la partie). Le premier joueur va perdre un pion (“Oh !”), le second, un fou, deux coups plus tard (“Zut !”), le premier, une tour (“Non !”), le second, sa dame (“Mais pourquoi j’ai joué ça !”) et ainsi de suite.
Le conseil le plus avisé que j’ai le plus entendu de la part des coachs est : quand tu veux jouer un coup, essaie d’en trouver deux autres avant de jouer, puis choisis le meilleur des trois. Pourquoi trois plutôt que quatre, cinq ou sept ?… Parce que le gamin n’a que six ans 😉
Si vous me lisez, vous avez sans doute plus de six ans. Alors, pourquoi vous arrêter au premier coup trouvé ?